Val St Esprit

La crise révolutionnaire a provoqué l’irruption brutale de l’histoire dans la vie des couvents et la programmation des décisions de l’Assemblée constituante, a rapidement abouti à la dispersion des religieux et la suppression de leurs communautés. Les premières décisions nationales visent les couvents et les abbayes qui régentent l'économie du pays par leurs biens multiples.

En juillet 1789, la création de la Constitution civile impose aux religieux le serment civique, les religieux qui refuseront de prêter le « serment de liberté-égalité » seront mis en détention.

Dans la nuit du 4 août 1789, les députés de la Noblesse et du Clergé, réunis en Etats généraux avec ceux du Tiers-Etat, finissent par accepter "l'abandon de tous les droits et privilèges". D'enthousiasme, l'abolition des juridictions seigneuriales, le rachat de la dîme et l'égalité des impôts furent aussitôt adoptées.

La suspension des vœux monastiques est décrétée par l’Assemblée constituante du 28 octobre 1789 et l’interdiction est faite aux abbayes d'exploiter leurs terres par elles mêmes.

Le 2 novembre 1789, “La confiscation des biens de l'église, abbayes, couvents et clergé régulier » est décidée. « La vente des immeubles bâtis des abbayes et couvents ne peut être entravée par l'existence de leurs occupants. La dispersion préalable de ceux-ci doit faciliter l'effacement de leur état de congrégationnistes et conséquemment permettre plus aisément la mise à l'ancan de leurs propriétés désormais inutiles".

Cette mesure, impopulaire, fut présentée comme une nécessité de bien public, « pour compenser les énormes dettes de l'Etat, il faut user de moyens énergiques pour les éteindre ». L’actuel Pas de Calais dénombrait alors pas moins de 50 abbayes sur son territoire, et aux environs de Béthune on y trouvait, outre les deux chartreuses de Gosnay, les abbayes d'Annay (Ordre de Citeaux), Ham en Artois (Bénédictins), Chocques, Mont Saint-Eloi et Hénin-Liétard (Saint Augustin), Houdain (Dominicaines), Arras (Saint Vaast), etc. mais aussi les prieurés de Beuvry, Houdain (2), Labeuvrière, Rebreuve, etc.

Serment républicain

Le serment républicain

L'Assemblée Nationale s’en prend ensuite directement à l'Eglise, la déclarant "fléau de la nation, ennemi de la science et de tout progrès matériel". Les événements se précipitent alors, pour s'attaquer à la hiérarchie ecclésiastique, au Pape, aux Evêques, aux Curés, et surtout aux Moines.

Les Chartreux, surpris par ces agitations extérieures, pensaient à tort, être épargnés par cette tourmente, mais les révolutionnaires se souciaient fort peu de leur particularisme et des services qu'ils avaient rendus à la population. Le vaste courant qui était organisé contre l'église en général, les concernait aussi. Ils ne tardèrent pas, eux aussi, à subir la fureur des apôtres de la révolution. Tous leurs biens furent inexorablement liquidés et même les objets d'art qui embellissaient les églises furent mis à l'encan, vendus à vil prix et dispersés de tous côtés. Une infime partie du mobilier échappa à la destruction par la générosité de quelques familles qui s’en portèrent acquéreur avant de les restituer aux églises paroissiales quelques années plus tard.

le 18 novembre 1789, un nouveau décret, ratifié par le Roi Louis XVI, ordonne l'inventaire de tous les biens, meubles et immeubles, revenus et charges des églises et monastères français.

les 19 et 21 décembre 1789, l'abolition des Ordres religieux est décrétée, "conformément, au désir de l'immense majorité des intéressés" précise le rapporteur. "la loi ne reconnaîtra plus de voeux monastiques solennels de l'un et l'autre sexe. Déclare en conséquence que les Ordres et Congrégations religieuses sont et demeurent supprimés en France, sans qu'il puisse en être établis à l'avenir. Tous les individus de l'un et l'autre sexe existant dans les monastères et maisons religieuses, pourront en sortir, en faisant leur déclaration à la municipalité du lieu, et il sera pourvu à leur sort par une pension convenable. Il sera indiqué des maisons où seront tenus de se retirer les religieux qui ne voudront pas profiter des dispositions de la présentes seront regroupés dans des maisons désignées par l’autorité civile. Elles rassembleront au moins vingt religieux qui pourront être d’ordres différents". Les vœux monastiques, considérés comme servage à vie, sont dés lors supprimés. La loi ouvrait ainsi la porte des couvents à ceux qui voulaient en sortir, laissant aux autres la possibilité de suivre leur règle et de garder leurs habits de religion.

le 20 mars 1790, il est décidé de donner aux municipalités la charge de recenser les propriétés et les revenus des monastères qui se trouvent dans leur commune. Les décrets des 20 février, 19 et 20 mars précisaient "Les officiers municipaux se transporteront dans la huitaine de la publication des présentes, dans toutes les maisons de religieux de leur territoire, et s'y feront présenter tous les registres et comptes de régie, les arrêteront, et formeront un résultat des revenus et des époques de leurs échéances. Ils devront aussi dresser, sur papier libre, l'état sommaire de l'argenterie, de l'argent monnayé, des effets de la sacristie, livres et mobilier, en présence de tous les religieux, à la charge desquels ils laisseront les dits effets.". L'article V de ce décret spécifiait que le Commissaire du Conseil Général de la commune devait faire comparaître devant lui les religieux qui habitaient dans le couvent, les interroger sur leur volonté "d'accepter l'affranchissement" que la loi venait de leur offrir, et de s'enquérir s'ils étaient dans l'intention de quitter leur monastère. "Les officiers municipaux dresseront encore un état des religieux profés de chaque maison, avec leur nom et leur âge, et les places qu'ils occupent, et recevront la déclaration de ceux qui voudraient s'expliquer sur leur intention de sortir des maisons de leur ordre, et ils vérifieront le nombre de sujets que chaque maison pourrait contenir."

Cette mission se déroule au Val Saint-Esprit du 28 au 31 mai 1790 avec Annebicque, maire, Delplancque, 1er officier municipal, Jacques Mercier 2é Officier municipal, Mongy, procureur de la Commune et Seneschal, secrétaire greffier.

L'inventaire fait part d'une église ornée décemment d'une boiserie de 14 pieds de haut, d'une grille à la porte du choeur et de 10 grands tableaux encadrés. Le quartier des hôtes comprend 5 chambres. Sont aussi évoqués la sacristie, le réfectoire des religieux, la cuisine, la brasserie, « tous équipés modestement ». Ils recensent dans les étables, « 11 chevaux, 23 vaches, 1 taureau, 3 génisses et des porcs ». Ils déclarent 24 231 livres de revenus au couvent et 15506 livres d'arrérages.

    « L'état des religieux profés est tel qu'il s’ensuit, douze religieux de choeur compris le prieur et un frère donné par contrat. Sur la réquisition que nous leur avons fait à chacun en particulier de s'expliquer sur leur intention de sortir des maisons de leur ordre ou d'y rester, nous avons dressé le procés verbal que nous leur avons fait signer comme s'ensuit.
  • Dom Louis Delpierre, prieur agé de soixante douze ans, a répondu vouloir rester
  • Dom Antoine Senellart, vicaire agé de cinquante et un ans, a répondu vouloir rester
  • Dom Bruno Broncqusault, coadjuteur, agé de soixante neuf ans, a répondu vouloir rester
  • Dom Joseph Genin, ancien, agé de soixante ans, a répondu vouloir rester
  • Dom Ange Goubeau, agé de cinquante huit ans, il reste ici tant et aussi longtemps qu'il y aura moyen d'y vivre et sans changement de maison
  • Dom Bernard Braibant, procureur, agé de cinquante huit ans, a répondu vouloir rester
  • Dom Jérôme Robe, sacristain, agé de quarante quatre ans, a répondu qu'il n'est pas décidé et a refusé de signer
  • Dom Athanase Delbaux, agé de quarante et un ans, désire rester dans son état tel qu'il a professé
  • Dom Anthelme Leroy, agé de trente huit ans, jusqu'à plus ample éclaircissement de la part de l'assemblée nationale le soussigné déclare rester dans son état actuel
  • Dom Georges Wargnier, agé de trente sept ans, a répondu vouloir rester
  • Dom Etienne Breson, agé de trente six ans, a déclaré qu'il est déterminé de rester dans sa maison tant qu'elle subsistera
  • Dom Bonaventure Bailly, agé de vingt six ans, a répondu vouloir rester
  • Frère Jacques Marielle, frère donné par contrat passé en bonne forme du quatorze mai mil sept cent cinquante neuf et dont l'acte nous a été représenté par led. frère agé de soixante et un ans, a répondu vouloir rester.

Le 1er septembre 1790, le directoire du Pas de calais, en activité depuis le 31 juillet, interroge toutes les municipalités du département à l'aide d'un questionnaire de 60 articles dit « cahier de doléances ».Ceux du Boulonnais, sont significatifs de l’état d’esprit des populations "Les monastères contribuent moins que les autres aux besoins de l'état, ... Ils sont riches et ont trop de revenus, .... Ils cultivent leurs terres et s'exemptent d'impositions .... On demande qu'ils ne puissent tenir labour, que l'on en diminue le nombre et qu'on les soumette aux impositions communes". La municipalité de Gosnay y répondit le 22 septembre 1790 sans manifester la moindre récrimination à l’encontre des pères et moniales chartreuses.

le 25 septembre 1790, un nouveau décret vise l'habit religieux "les costumes particuliers des Ordres religieux demeurent abolis et en conséquence, chaque religieux sera libre de se vêtir comme bon lui semblera." le 14 octobre 1790, la chartreuse de Notre Dame des sept douleurs de la Boutillerie prés de Fleurbaix est désignée comme refuge des Chartreux du Nord de la France. L'article IV du décret précisait, "les religieux qui préféreront se retirer dans les maisons qui leur seront indiquées, ne voulant pas rentrer dans le monde, jouiront dans les villes des bâtiments à leur usage et des jardins potagers en dépendant; et dans les campagnes, ils jouiront encore des enclos y attenant jusqu'à concurrence de 6 arpents de terre, mesure de Paris, le tout à la charge de réparations locatives et frais de culte. Et en outre, il sera assigné aux dites maisons un traitement annuel à raison du nombre de religieux qui y résiderait, lequel traitement sera proportionné à l'âge des religieux et en tout conforme aux traitements décrétés pour ceux qui sortiront de leur maison soit, - plus de 50 ans, 1000 livres - moins de 50 ans, 900 livres - le prieur percevra 1200 livres - le frère donné 400 livres ».

En outre, les religieux sortis de leurs maisons avant le 29 octobre, et ceux qui désireraient en sortir avant le 1 janvier 1791, recevront provisoirement jusqu'à cette époque, un secours qui sera fixé par le Directoire du Département sur l'avis du Directoire des Districts, et d'après la demande des municipalités." En contre partie, il leur sera demandé de prêter le serment républicain.

le 9 septembre 1791, l’ensemble des chartreux du Val Saint-Esprit, à l’exception de Dom Robbe, quittent leur maison de profession pour rejoindre la maison refuge de la Boutillerie prés de Fleurbaix. Dom Bernard Braibant, ex-procureur, est, à cette occasion, déchargé de la garde des meubles et effets par Baude après qu'il lui ait remis les clés du monastère. Quelques jours plus tard, un compte du 15 septembre “fait au Directoire à Arras”, autorise le Receveur du district de Béthune à payer aux dits Religieux la somme de « treize cent trente livres dix huit sols neuf deniers ».

Le 12 juin 1792, la "maison de retraite désignée par le district" à la Boutillerie près de Fleurbaix accueillait, 44 Pères et 4 frères. (14 Pères chartreux de La Boutillerie, 9 de Gosnay, (Louis Delpierre, ex-prieur, 73 ans, Bruno Broncsaulx, ex-coadjuteur, 70 ans, Joseph Genin, 64 ans, Augustin Goubau, 59 ans, Guellart, Athanase Desbaulx, 42 ans, Anthelme Leroy, 39 ans, Georges Wargnies, 38 ans et Bonaventure Bailly, 27 ans). Etienne Brésou, 37 ans, résidait à Lille et Bernard Braibant, ex-procureur était décédé le 13 mars 1792, âgé de 29 ans), 7 de Douai, 8 de Saint Omer, 5 de Valenciennes et 1 de Vervins, plus 3 frères de Saint Omer et 1 de Douai.

Tous seront contraints d’évacuer la Boutillerie entre le 27 et le 30 septembre 1792. Ils se disperseront dans la Région après la mise à exécution du décret du 3 août 1792, « supprimant toutes les Congrégations, prohibant le port de l’habit religieux ou ecclésiastique, sous peine d’emprisonnement ou de mort ». Les maisons de regroupement supprimées, les religieux durent déclarer à la municipalité le lieu qu’ils avaient choisi pour se retirer. Beaucoup regagnèrent leur région natale et sans doute leur famille, d’autres demeurèrent à proximité de leur ancien monastère, hébergés par des amis ou chez des hôtes à qui ils versaient leur pension. Si quelques uns exercèrent des ministères paroissiaux, en qualité de « curé constitutionnel », d’autres menèrent, au péril de leur vie, un apostolat clandestin. Rares, furent ceux qui optèrent pour l’émigration. La chartreuse du Val Saint-Esprit était dés lors définitivement condamnée après avoir survécu à bien d’autres périls durant quatre cent soixante douze ans.

La chasse aux religieux reprend en 1793 avec l’arrêté départemental du 4 août, ordonnant la « réclusion des prêtres réfractaires, âgés de 60 ans et plus ». En 1794, la convention décida que « prêtres et religieux détenus et âgés de moins de 60 ans seraient déportés ».

Les religieux ayant abandonné leur couvent, la question religieuse attise la convoitise d’une partie de la population, avide de s’approprier leurs richesses. De nombreux conflits locaux surgissent, auxquels les autorités locales répondent en ayant recours à la force publique, "le 16 mai 1792, vers 5 heures de l'après-midi, 300 personnes des environs enfoncent les portes de la chartreuse et pillent tout. Le commandant du 13é régiment à Béthune, envoya 10 hommes, 1 sergent et 1 caporal pour la faire évacuer, y tenir garnison jusqu'à nouvel ordre et veiller à la conservation de tout ce qui dépendait de cette maison ».

La liquidation des biens du Val Saint-Esprit commence le 15 décembre 1790 par la vente d'une maison rue du Carnier à Béthune, "composée de 2 places basses, 4 places hautes, grenier, cour, petit quartier de derrière et cave", occupée par Charles François Delplancque, marchand. Elle lui est adjugée pour 4000 livres.

De 1791 à 1793, les administrateurs du district de Béthune procédent méthodiquement à la mise en vente de tous les biens de la Chartreuse. Le refuge de Béthune et quelques autres biens immobiliers sur Béthune, les terriers des Pères chartreux, puis les meubles et autres objets de culte du couvent et enfin le couvent lui même.

Chacune des 13 maisons du refuge de Béthune est vendue séparément entre le 4 février et le 17 avril 1791. Aucun des locataires occupants ne pourra acquérir sa maison. La totalité des adjudications, 19330 livres, sera de 33 % supérieure à l’estimation initiale. Jean Baptiste Taffin, administrateur du district révolutionnaire de Béthune, futur acquéreur de la chartreuse du Mont Sainte-Marie, achéte la plus grande «3 places basses, cour, buchet, cave, chambres à l’étage, grenier, citerne et jardin plus une écurie à usage du Père procureur et une cour servant de passage pour accéder aux jardins du refuge ». Dix autres, sont constituées d’une pièce basse, grenier et cave.

Les jardins du refuge font l’objet d’une mise en vente spécifique le 4 février 1791, un terrain planté de groseillers, trois jardins loués et un jardin clos de murailles.

Simultanément 6 autres maisons sont mises en vente à Béthune (dont 1 rue du Carnier, 2 derrière l’église Saint Vaast et 1 attenante à la chapelle Saint-Eloi).

A lui seul, le traiteur Guislain Joseph Pignon, de Béthune, se porte acquéreur de 3 maisons et un jardin, alors que Jean Baptiste Delattre, trésorier des troupes de Béthune, achète une maison dans Béthune et le jardin du refuge, clos de murailles.

    Le terrier des Pères chartreux est liquidé dès le 12 février 1791 sur Gosnay (91 mesures ½ et 17 quartiers), Hesdigneul (94 mesures ½ et 3 quartiers) et Labuissière (26 mesures 10 quartiers) répartis comme suit,
  • 2.5 mesures et 10 quartiers de bois sur Hesdigneul et La Buissière
  • 5 quartiers de houblonnières à Gosnay
  • 36 mesures et 6 quartiers de prairies à Gosnay
  • 173 mesures ½ et 9 quartiers de terres à labour sur les trois communes.

Quatre petites pièces de terre à labour sur Labeuvrière ne seront, pour leur part, vendues que le 1 août 1793 pour un montat global de 12750 livres alors que leur estimation était de 2963 livres.

Caricature

Caricature sur la nationalisation
des biens du clergé
(Bibiothèque Nationale)

Pour faciliter la mise en vente du couvent, les révolutionnaires s’en prennent préalablement aux équipements, mobiliers et objets d’art du couvent. On devine alors la surprise et la déception des religieux de se voir ainsi dépouillés de tous leurs biens, avant même leur expulsion en septembre 1791. Comble d’ironie, les principaux locaux comme l’église, la bibliothèque, la sacristie, différents tableaux et objets « jugés non nécessaires à l’usage actuel des religieux » sont mis sous scellés le 8 février 1791, mais laissés sous la responsabilité du domestique du prieur et du Père procureur « jusqu’à révocation du monastère ».

les 29 et 30 mars 1791, il est procédé à la mise en vente des chevaux, fourrages et ustensiles de labour du Val Saint-Esprit. Le prieur est autorisé à acheter une vache et son domestique deux chevaux, alors que Jean Baptiste Annebicque, meunier et maire de Gosnay acquière 1 porc, 1 chariot et 2 charrues.

le 25 août 1791, les voitures et carosses des maisons religieuses, sont centralisées à Béthune, où elles seront vendues le 10 octobre.

du 27 août au 1 septembre 1791, les officiers municipaux de Gosnay, procède à un inventaire minutieux des meubles et effets dans les différents locaux, mais le procès- verbal ne fait pas état des cloître et des cellules.

Pour préparer l’expulsion de la communauté, il est alors procédé au transfert des objets d’art sur Béthune où ils sont regroupés avec tous ceux des autres couvents du secteur.

    Leur mise en vente ne sera néanmoins réalisée que,
  • les 13, 13, 14, 19 et 20 juin, 3 et 4 juillet 1793, durant lesquels « 1433 objets d’art (meubles et effets), provenant des maisons religieuses sont dispersés par la vente en l’église des Capucins ».
  • les 17 et 18 juillet 1793, « 471 autres objets d’art, dont les nappes et burettes », sont à leur tour vendus.

L’arpentage de l’enclos du couvent est réalisé le 19 mars 1791. L’estimation de la maison et de l’enclos ne sera fixée que le 24 août de la même année, à 35 000 livres. Elle sera ramenée à 32 000 livres le 26 octobre 1791, après la vente des « boiseries, grilles et différents autels » du couvent.

Le 8 novembre 1791, « l’absence d’enchérisseurs » à la première adjudication du couvent conduira les administrateurs du district de Béthune à la reporter au 22 novembre. Présidée par Jean Baptiste Taffin, la vente du couvent et de l’enclos verra s’affronter François Joseph Brady, marchand de meubles et le notaire arpenteur Dufresne, tous deux de Béthune.

Brady acquière au 3é feu la propriété pour 75 300 livres. Il cède le lendemain les 26/75é de la propriété, « le corps de logis neuf, la chapelle attenante, les jardins, pièce d’eau, vergers et arbres y croissants, le terrain dans l’enclos, y compris la muraille que Brady ne pourra détruire, ni faire abattre » à Joseph Marie Anne De Moyria, lieutenant colonel du 45é régiment d’infanterie en garnison à Béthune, Chevalier de l’école militaire et de l’Ordre royal militaire de Saint-Cloud. Si les objectifs de De Moyria semblaient s’orienter vers une reconversion du site en résidence de caractère, les motivations de Brady visaient à s’enrichir par la vente des matériaux de récupération après la démolition des cellules, cloître et autres bâtiments à usage monastique. Il obtient d’ailleurs le 26 février 1793 l’autorisation de démolir le « grand cloître, les cellules des religieux, trois écuries et deux bâtiments de la fermé ». Le registre d’état civil de la commune porte au 3 avril 1793 la mention du décès de Dominique Coquelle, 22 ans « tué en tombant du haut de l’église des Révérends Pères chartreux », ce qui prouve qu’au delà des bâtiments voués officiellement à la démolition, d’autres comme l’église des chartreux, connurent le même sort.

Plan supposé de la chartreuse en 1789 (Parkminster 1915)

Que sont devenus les religieux après la fermeture de leur couvent ?

La plus part des Pères chartreux de Gosnay sont demeurés dans la région après la suppression de leur maison. Ils s’activèrent, souvent au péril de leur vie, à porter secours aux fidèles, privés de prêtres. Quelques uns furent arrêtés et mis en détention. D'autres se réfugièrent dans leur famille, mais, souvent dénoncés aux comités de surveillance locaux, furent poursuivis « pour fanatisme ».

  • Dom Louis Delpierre, fut le dernier prieur du Val Saint-Esprit (1778-1791). Né à Saint Omer le 10 mars 1719, il était profès de la chartreuse du Val Sainte-Aldegonde à Longuenesse. Il fut nommé prieur de Gosnay par le Chapitre général de 1778, alors qu'il exerçait la charge de procureur à Abbeville depuis 1777.
  • Dom Louis eut donc à subir et assumer les drames de sa communauté pendant la période révolutionnaire, ce qu’il fit avec dignité et fermeté. Il ne put pourtant s'opposer à la fermeture de son couvent et à la liquidation de ses biens, mais sut conserver jusqu'au bout, une influence positive sur ses frères de religion. Lorsqu'il choisit en 1791 d'opter pour la vie commune à la maison refuge de La Boutillerie, prés de Fleurbaix, il fut suivi par sa communauté à l’exception de son sacristain Dom Jérôme Robbe.
    Expulsé en 1792 de La Boutillerie, Dom Louis se retira dans la région de Saint Pol où il fut arrêté et incarcéré le 1er février 1793 par le District Révolutionnaire sous l'inculpation de "non prestation de serment civique et avoir exercé la prêtrise à Lillers". En avril 1793, il fait une demande d’élargissement de la maison d'arrêt de Saint Pol. Le District de Saint-Pol, dans sa séance du 29 avril 1793 lui répond "que le citoyen Delepierre ayant été dénoncé comme suspect d'avoir émigré, le district se chargeait de remplir à son égard le voeu de la loi". Il serait mort dans les geôles d'Arras en 1794 à l'âge de 76 ans.
  • Jean François Robbe, dit Dom Jérôme, était né le 28 février 1746, à Hermin ou Hermies (Pas de Calais). Profès du Val Saint-Esprit en 1768, il occupait le 11é rang d’ancienneté d'une liste des religieux de Gosnay le 20 novembre 1773, dans la charge de sacristain qu’il exerça jusqu’à la suppression du Val Saint-Esprit. Il épousa alors les thèses révolutionnaires et intégra le Comité de surveillance d’Houdain où on le disait "ex-chartreux, mais bon patriote". Le 1 octobre 1791, il remet au comité de Béthune un procès verbal estimatif des changements à opérer pour recevoir des religieux à la Boutillerie. Il fut nommé curé constitutionnel par Joseph Le Bon le 25 mars 1794.
  • Augustin Joseph Marie Broncquesaulx, était né le 8 avril 1722 à Robecq. Profès du Val Saint-Esprit du 17 janvier 1745, il était coadjuteur de Gosnay depuis 1761 et demeura en charge jusqu’à la fermeture de son couvent. Le 29 mai 1793, il adresse une pétition au District Révolutionnaire de Béthune "tendant à obtenir un délai moral pour se rendre dans la maison de réclusion à Arras. Autorisation lui est donnée de rester provisoirement détenu dans ses foyers sous la surveillance de la municipalité de Béthune". Il aurait été mis en détention à Douai sous la Terreur.
  • Joseph Genin, profès du Val Saint-Esprit du 13 septembre 1746, y était vicaire le 21 décembre 1757 avant d’en être le procureur en 1762. Ancien de la maison des moines de Gosnay en 1790, il était détenu à Arras le 29 janvier 1794 parce que « insermenté » et y mourut durant sa réclusion le 10 prairial de l'an II. Le registre de la prison du Vivier précise qu'il était "âgé de 65 ans, natif ou originaire du Brabant, au diocèse de Verdun, de la chartreuse de Gonnais".
  • Louis Joseph Bréson, dit Dom Etienne, était né à Lille le 26 novembre 1754. Profès du Val Saint-Esprit du 28 novembre 1775, il se déclarait, lors de l’interrogatoire du 28 mai 1790, « déterminé à rester dans son état, mais dans sa maison seulement ». Retiré à Lille après la fermeture de son couvent, il y obtient un certificat de civisme le 18 germinal an II (7 avril 1794) et aurait donc prêter le serment d’égalité et de liberté. Au 2é semestre de l’an V, il obtenait un secours pécuniaire à Lille.
  • André Bonaventure Joseph Bailly, dit Dom Bonaventure était né à Bourecq le 1 août 1764. Profés des moines de Gosnay du 7 août 1785, il suit sa communauté à la maison refuge de la Boutillerie en 1791. Il était vicaire de Bunnette (diocése d’Arras) en 1804.
  • Louis Alexis Braibant, dit Dom Bernard était natif de Namur. Profés du Val Saint-Esprit du 12 septembre 1756, il en fut le procureur de 1775 à la fermeture de la maison. Dom Bernard est décédé durant son séjour à la Boutillerie le 13 mars 1792.
  • Balthazar Joseph Senellart, dit Dom Antoine Joseph, était né à Merville le 2 février 1739. Profès du Val Saint-Esprit du 23 septembre 1760, il fut successivement sacristain de Gosnay en 1769, hôte de Douai en 1771 puis vicaire du Val Saint-Esprit de 1786 à 1790. Il suivit sa communauté à la maison refuge de la Boutillerie en 1791, mais refusant de prêter le serment de liberté et d’égalité après son expulsion de 1792, il aurait émigré à Buren prés de Patenborn avec le vicaire des moniales du Mont Sainte-Marie et quelques unes d’entre elles.
  • Nicolas Charles Augustin Goubau, dit Dom Augustin était natif de Westcappel (Ypres), mais demeurait Estaires lors de son entrée au Val Saint-Esprit où il fit profession religieuse le 11 juin 1754. Après son expulsion de la Boutillerie en 1792, Dom Augustin n’a laissé comme seul souvenir que son décès, annoncé par le Chapitre général de 1796, sans autres précisions.
  • Albert Joseph Leroy, dit Dom Anthelme était né le 24 novembre 1752 à Estaires (Nord). Profès de Gosnay du 20 juin 1773. Il fut hôte de Val Saint-Georges d’octobre 1781 à novembre 1786. Il se retire avec la communauté à la maison de regroupement de La Boutillerie en 1791. Dom Anthelme n’a laissé aucun souvenir après son expulsion en 1792.
  • Pierre Joseph Wargnies, dit Dom Georges, était natif de Maroilles. Profés du Val Saint-Esprit du 21 mai 1775, il suit son prieur à La Boutillerie en 1791. Après leur expulsion de 1792, Dom Georges n’est plus apparu dans les archives régionales, ni dans le nécrologe de la maison.
  • Jacques Marielle, jardinier, ex-frère donné chez les chartreux du Val Saint-Esprit, demeurant Houdain, adresse une pétition au District révolutionnaire de Béthune le 23 octobre 1794 pour demander "la réduction de sa contribution mobilière".