Vidé de ses religieux et déformé par la démolition des bâtiments conventuels, le monastère du Val Saint-Esprit ne sera dès lors plus qu’un souvenir. Une nouvelle aventure commençait pour la propriété, avec plusieurs formes de reconversion.
Libérée des bâtiments conventuels, la propriété sera dans un premier temps reconvertie en résidence privée pour de riches ou ambitieux particuliers.
Dés l’an V de la République, les Wastelier s’installent « en leur château de Gosnay ». Jean Baptiste Joseph était en fait lié, par intérêt, à Jean Baptiste Taffin, administrateur du District révolutionnaire de Béthune et propriétaire de la chartreuse du Mont Sainte-Marie, où il demeurait. Ils avaient, ensemble, acquis le 9 brumaire de l'an IV, 28 mesures de terre de riez pour 47 000 livres. Il avait par ailleurs acquis le 27 juillet 192, 25 mesures de terre au receveur de Hesdigneul, Barthélèmy Annebicque. Il marqua surtout l'histoire du village en achetant pour 3700 livres, « l’église, le terrain attenant (environ un quartier), la sacristie et le mur de clotûre, excepté le sommier de fer, les trois cloches, boiseries et autres objets servant au culte » le 29 frimaire de l’an II, au moment de la vente des biens nationaux. J.B. Wastelier fut longtemps considéré comme le sauveteur de l’église. Une pièce d’archives atteste aujourd’hui que ses intentions étaient toutes autres. En effet, l’édifice fut revendu le 10 février 1795, au Sieur Voisin, entrepreneur de Noeux, pour sa démolition, mais l’autorisation accordée le 24 ventôse de l’an III, ne fut heureusement pas suivi des faits.

Val Saint Esprit - Coté jardin
Ses deux fils Justin, et plus particulièrement Félix, firent plusieurs legs financiers en faveur de Gosnay et tout particulièrement en 1875 pour restaurer l’église Saint-Léger, dont l’état de délabrement la vouait à la démolition. En contre partie, le conseil municipal s’engageait à entretenir à vie le caveau de famille des Wastelier dans le cimetière de Gosnay. De fait, la dernière restauration du caveau date de 1994, ce que le percepteur de Béthune eut bien du mal à admettre. Ils contribuèrent ainsi à revaloriser la marque laissée par leur père, d'où une certaine confusion laissée dans les mémoires sur cette famille.
La famille Wastelier quitte Gosnay fin 1833, pour s’installer à Bourg, prés de Falaise. Elle cède sa propriété à Stanislas Gamot, salineur de Béthune, qui, dès le 12 janvier 1834, fait procéder à une enquête «commodo relative à la fabrique de sucre que compte créer Monsieur Gamot dans l’enceinte de l’ancienne chartreuse du Val Saint-Esprit ». Le rapport du commissaire enquêteur fait état de l’absence d’observations formulées en mairie, ce qui permet à Messieurs Gamot, père (Fidèle, 1795-1867) et fils (Stanislas Laurent (1823-1893) d’y développer, dès 1835, une des sucreries les plus importantes du secteur, sur les fondations des bâtiments conventuels, rasés par Brady.

Château Gamot - Gens au travail
La sucrerie, florissante jusqu’en 1893, fut par la suite relayée par Georges Stanislas (1883-1949), par une laiterie, fromagerie dont le rayonnement régional se développera jusqu’en 1938. L’hôtellerie des R.P. chartreux fut aménagée en résidence familiale.
Après les Chartreux, les Gamot ont exercé une influence déterminante sur le développement de la commune qu’ils gérèrent comme leur propre entreprise pendant plusieurs décennies (Stanislas fut maire de 1852 à 1871 puis de 1872 à 1892 et Georges de 1912 à 1919 puis de 1929 à 1938).
Outre leur activité commerciale et industrielle, ils sont surtout à l’origine de la restauration de l’église en 1876 (contre l’avis de plusieurs architectes qui préconisaient sa démolition) les créations de l’école communale en 1880, d’une mairie attenante puis d’une agence postale en 1893, le tout sur des terrains leur appartenant, la restauration du monument aux morts en 1931, pour ne citer que les réalisations les plus notoires…
Ils ont surtout exercé sur la population une attitude paternaliste dont les effets ont longtemps perduré (offrant des terrains pour créer des jardins ouvriers, favorisant la création ou le développement de nombreuses sociétés locales telles que la confrérie des charitables, une fanfare ouvrière, une société de « coulonneux » (pigeons voyageurs), un club de football, etc.).
L’installation des cités minières à Gosnay à partir de 1899 a totalement bousculé la vie communale. La population du village a été multipliée par 4 en moins de 15 ans. En 1921, elle était de 1428 habitants auxquels s’ajoutaient 236 réfugiés.
Le départ des Gamot en 1939 s’est évidemment accompagné de la cessation d’activité de la laiterie, sucrerie. L’ensemble de la propriété fut repris par la Compagnie des mines de Bruay. Une cité ouvrière fut créée au sein de la ferme Gamot et trois logements d’ingénieurs furent aménagés dans le Château de Monsieur Gamot.
En 1966, les Houillères nationales cèdèrent le « château Gamot » au Ministère de la Justice qui y implanta un foyer d’action éducative de 29 lits pour grands adolescents et adolescentes placés par les Juges pour enfants de Béthune et du département.
Le transfert du foyer sur Béthune conduisit le service des domaines à vendre l’immeuble et les jardins attenants en 1982. Le bâtiment était dans un tel état de délabrement qu’il découragea bon nombre d’acquéreurs potentiels. C’est ainsi que le directeur des services domaniaux du Pas de Calais mit en vente la propriété sur la base estimée du terrain, encombré d’un « bâtiment protégé ».
La création en 1984 du complexe hôtelier « la chartreuse du Val Saint-Esprit » est tout à l’honneur de Jean et Armelle Constant qui ont su redonner au site de l’ancienne chartreuse de Gosnay, une renommée internationale.
L’intégralité du site est inscrit au rôle complémentaire des monuments historiques depuis le 10 juin 1986. De la Chartreuse elle même, ne restent que le portail d’entrée et l’Hôtellerie du couvent. Le reste du bâti a été reconstruit aux XIXéme et XXème siècle par Messieurs Gamot sur les fondations des bâtiments conventuels. L’ensemble de l’ex-site industriel intéresse aujourd’hui la DRAC pour la qualité de son architecture.