Parler aujourd’hui de Gosnay, c’est évoquer la Chartreuse du Val Saint-Esprit que Jean et Armelle Constant ont, depuis 1984, réussi à valoriser et pérenniser. Ils ont aussi redonner l’appellation d’origine au site, car depuis plus d’un siècle l’ex-chartreuse du Val Saint-Esprit avait été oubliée au profit du « Château Gamot », ancienne demeure familiale d’une famille d’industriels qui occupèrent la charge de Maire de la commune durant près d’un siècle.

Cour du Val Saint Esprit
Val Saint-Esprit est surtout attaché à une légende, à l’origine de la fondation du couvent, que l’on se raconte encore dans le village : « La Comtesse Mahaut, qui tenait à ce que les mœurs de sa suite soient les plus pures et exemplaires qu’ils soient, s’aperçut un jour qu’Alix, sa jeune et jolie camériste, était enceinte. La coupable, refusant de dénoncer son amant, fut condamnée à être enterrée vivante dans un jardin clos, face au château de Gosnay.
Le parc, où avait eu lieu le supplice, fut dés lors troublé par de fréquentes apparitions nocturnes de spectres qui jetèrent l’épouvante dans le vallon et lui valurent le nom de « Val des mauvais esprits ».
La Comtesse, ne sachant comment chasser ces fantômes, sollicita conseil à de nombreuses personnes, tant laïques qu’ecclésiastiques. Son aumônier, Thierry Larchier d’Hérisson, y trouva l’occasion de réaliser le désir qu’il avait depuis longtemps de construire un monastère cartusien, et lui suggéra d’ériger une Chartreuse sur le lieu de l’exécution, s’offrant même, si elle y consentait, à la bâtir à ses propres frais. Avec son agrément, il se mit rapidement à l’œuvre. A l’arrivée des premiers religieux en 1320, les apparitions cessèrent et le site devint le « Val Saint-Esprit ».
La construction de la Chartreuse et de ses treize cellules était achevée en 1320 mais l’église du couvent ne fut consacrée par l’Evêque d’Arras que le 1 octobre 1324 sous le vocable de Saint-Georges.

Armoiries de Thierry d'Hireçon
et du couvent Val Saint Esprit
Thierry d’Hireçon a été le véritable fondateur de ce couvent, même si Mahaut lui apporta un puissant concours financier pour doter la maison. Selon la tradition cartusienne, la chartreuse du Val Saint-Esprit adopta les armoiries de son fondateur « écartelé aux 1er et 4é de sable au loup d’or et aux 2é et 3é d’argent à 3 macles de gueules posées en 2 et 1 » dont le corps fut inhumé, face au maître-autel de l’église du couvent, en novembre 1328, dans un tombeau de marbre, commandé en 1327, par Thierry lui-même, à Jean Aloul, sculpteur tournaisien. Le caveau, porté par 4 lions, était toujours en place au moment de la Révolution Française.
Après la mort de son chambellan, la comtesse Mahaut, prit les « solitaires » sous sa haute protection et leur fit des dons importants en terres et en argent, puis d’autres bienfaiteurs la relayèrent. Parmi les plus célèbres, Isabelle, femme de Philippe le Bon et mère de Charles le Téméraire, Philippe IV roi d’Espagne, l’archiduc Albert et son épouse, mais aussi Charles Quint et le Roi de France Louis XIV en personne.
Ainsi, en 1518, l’Empereur Charles-Quint, heureux de montrer sa bienveillance envers les moines du Val Saint-Esprit, accéda à la demande de leur prieur, Dom Pierre Marnef de Leyde, et leur céda les ruines et l’emprise du château, abandonné et tout en ruines. Les religieux entreprirent immédiatement sa démolition méthodique, vendirent une partie des matériaux pour amortir les coûts d’acquisition et de démantèlement et conservèrent une autre partie pour restaurer leurs deux cloîtres. Le petit, en très mauvais état, fut reconstruit en 1526. Les travaux de restauration du grand cloître, commencés dés 1520, ne furent achevés qu’au XVIIè siècle.
Si la communauté du Val Saint-Esprit profita des largesses d’un nombre considérable de bienfaiteurs, elle eut aussi à souffrir de la haine de quelques seigneurs, parmi lesquels Philippe de Courteville, seigneur de La Buissière, près de Gosnay. Violent, il allait souvent, accompagné de ses gens, faire du vacarme à la porte du monastère, blasphémant et criant, « Ces vilains moines vaillent pis que tous; on les devrait pillier et chasser hors du pays ». Il s’en vint même une fois, agresser les Pères procureur et prieur, au sein même de la chartreuse. L’incident fut porté par le prieur, Dom Pierre Marnef de Leyde, devant le Conseil d’Artois qui convoqua Philippe de Couteville en 1535 pour y être jugé. Il eut été condamné à mort, si le prieur du Val Saint-Esprit n’était intervenu en sa faveur, déclarant que « ce gentilhomme était catholique ».
Les vocations n’ont jamais manqué pour cette maison qui accueillit de nombreux religieux entre 1320 et 1791. L’un d’entre eux, Pierre Marnef de Leyde, prieur du Val Saint-Esprit (1512-1540), fut élu « général de l’Ordre » (1540-1546). Quelques autres se virent confier des charges plus modestes, telles que « visiteur de la Province » ou « prieur » d’une des maisons de la province de Picardie.

Val Saint Esprit (Albums de Cröy)
Jusqu’à la Révolution française, la chartreuse du Val Saint-Esprit bénéficiait du droit de Justice au sein de la communauté. A ce titre, elle disposait, depuis sa fondation, d’une prison, constituée de quelques cellules où étaient détenus les frères ou pères pris en flagrant délit de sortie sans autorisation, de s’être mal conduit, d’arriver fréquemment en retard aux offices, de faire de l’alchimie, d’avoir de l’argent sur soi ou d’entretenir des relations avec les femmes. La cellule, d’environ 12 m2, était dotée d’une cheminée et le pénitent ne disposait que d’une table et d’un lit. Les statuts de l’Ordre tenant à ce que le prisonnier puisse entendre l’Office les jours de fête, toutes les cellules avaient vue sur une chapelle, grâce à des regards convergents ménagés dans l’épaisseur du mur ou dans la voûte, selon leur disposition.
Si beaucoup de profès du Val Saint-Esprit sont demeurés de pieux et anonymes religieux, une infime minorité d’indésirables ont laissé un souvenir douloureux sur les cartes du Chapitre Général.
- En 1425, le Chapitre général ordonne "que Dom Jean Jolis, moine de cette maison, hôte en Angleterre, aille comme hôte à la maison de Liège aux frais de la dite maison de Gosnay » . La carte de 1429 évoque à nouveau ce religieux « pour le transfert plus rapide et plus sûr de Dom Jean Jolis depuis la maison de Beauval, nous ordonnons que le prieur de la dite maison de Beauval, avec compagnie et garde sûre, l'envoie à la maison de sa seconde profession de Gosnay, mandant et écrivant au Prieur de Valenciennes tout ce qui sera nécessaire pour son entretien dans la dite maison de Beauval et son retour à sa maison de profession; outre cette mission, nous ordonnons au prieur de Valenciennes d'obliger le prieur de Gosnay à payer ces frais d'entretien et de retour, frais que le prieur de Valenciennes renverra au prieur de Beauval par les gardiens et conducteurs susdits." Cette décision surprend. Quels crimes reprochaient-on à ce religieux pour faire l’objet d’autant de dispositions sécuritaires pour son transfert ? Etait-il dangereux pour lui-même ou pour l’Ordre ?
- Le Chapitre général de 1434 traite du cas de Dom Jean de Busco, « incarcéré à la maison de Gosnay les moines, comme il l'a bien mérité. Qu’il demeure en prison et comme la maison où il a fait sa dernière profession est appauvrie et ne peut pas payer son entretien, toute la Province pour le temps où il y demeurera incarcéré, payera pour chaque année 8 saluts d'or (monnaie d’or, anglaise, représentant l'Annonciation, au verso) et les visiteurs pourvoieront à ce que les maisons de la Province payent la dite somme à la dite maison proportionnellement à leurs revenus". La carte de l’année suivante, traite à nouveau de ce prisonnier de façon plus laconique "…. au sujet du prisonnier dont ils (les moines de Gosnay sans doute) écrivent, on confie la chose aux visiteurs."
- L’année 1611, est marquée par un grave incident. Dom Pierre Natier, moine profès de la maison, jadis procureur de celle de Notre Dame des prés à Neuville sous Montreuil (1577), « de longtemps détenu en prison, et au jugement de plusieurs comme presque insensé et aliéné de son bon et raisonnable sens et jugement » blesse mortellement, d’un couteau, Wallerand Leleu, serviteur du couvent, venu lui servir son repas. La communauté prit alors la décision d’indemniser la veuve et ses enfants d’une somme de 150 florins, « plus deux pains bizets et trois patars par semaine ».
- Le soir du 9 octobre 1618, sur le chemin d'Hesdigneul les Béthune à son monastère, frère Ferry Pesqueur, chartreux du Val Saint-Esprit, âgé de 28 ans, donna un coup de couteau mortel à Gérard Doullet, tavernier à Gosnay, qui le poursuivait de sa haine depuis plus d'un an. Après dix mois de prison et d'abstinence au Val Saint-Esprit, il fut, sur l'ordre de ses supérieurs, contraint de se défroquer avec une lettre de rémission.
- Le dernier cas d’indiscipline connu est celui de Dom Martin Blocquet. Exilé 5 années à Tournai après avoir subi 7 années de prison au Val Saint-Esprit, pour « crime d’évasion », il s’y plaignait de la mauvaise qualité du vin qui lui était servi, « alors que le prieur s'en faisait servir du meilleur ». Il alla jusqu’à saisir le Pape à ce propos, se plaignant de n'avoir eu de réponse. En 1648, il est renvoyé dans sa maison de profession à Gosnay (il y décèdera en 1673) où, en sa qualité de « fugitif », il encourait la peine de discipline générale (privation de voix active et passive au Chapitre, de rang, de colloque et de peine hebdomadaire des verges en public). Il s’en prend alors à son prieur, Dom Bernard Pamart (1642-1652), l’accablant de reproches auprès des visiteurs de la Province, prétendant qu’il encourait l'excommunication pour abus de pouvoir, dès lors que la punition de sa faute était disproportionnée. Dans une lettre du 9 mars 1649 au Révérend Père Général, il y affirme que sa profession est ipso facto annulée après avoir justifié chacune de ses sorties, « la première, ne fut que de 4 heures de nuit. La seconde eut pour cause le pillage de la maison par les soldats et le désir d'échapper à la diffamation que lui valait la punition exagérée de sa première sortie, mais les mouvements des armées l'empêchèrent de rentrer de chez ses parents avant 3 semaines. La 3é enfin, eut lieu pour consoler ses parents. Tout fut terminé en 2 jours par une conversation pénible avec le procureur venu le rechercher » rappelle Dom Devaux.
« Parmi les indésirables de la province, Gosnay avait le sien parmi ses profès » précise Dom Devaux qui se demande “si la tête de ce religieux était bien pleine”.
Ces quelques anecdotes ne sauraient faire oublier d’autres périls, beaucoup plus sérieux, que la chartreuse eut à surmonter. Parmi ceux-ci, les épidémies de peste. L’une d’entre elle, celle de 1417 emporta Dom Jean David, recteur de la maison depuis un an, et 6 de ses frères de religion. Décimée à plus de 50 %, la communauté sut réagir avec l’aide des visiteurs de la Province et du Chapitre Général et le couvent retrouva rapidement son rayonnement. La dernière épidémie de 1636 a laissé des traces sur les registres paroissiaux de Gosnay. On y recense en effet pas moins de 35 décès de peste, entre mai et novembre 1636, pour une population qui n'atteignait pas la centaine d'habitants. Les deux couvents de Gosnay, réfugiés à Béthune, furent épargnés.
Les chartreuses de Gosnay souffrirent particulièrement des nombreuses guerres qui se tinrent dans la Région. Chaque passage des troupes occasionnait de tels dommages aux récoltes, aux biens, aux bâtiments et aux personnes que la vie monastique ne pouvait plus s’y mener.
Les deux communautés du Val Saint-Esprit et du Mont Sainte-Marie n’avaient alors pour seul recours que de se replier au refuge qu’elles possédaient dans Béthune. Elles y demeuraient parfois plusieurs années, attendant que la paix soit revenue et que les réparations ou reconstructions des bâtiments soient terminées.
Le refuge des Pères chartreux était situé à l’angle nord des rues du Carnier (rue Saint-Vaast puis Sadi Carnot) et des Petits Becquereaux (rue Louis Blanc en 1883). Il voisinait avec celui de l’abbaye du Mont Saint-Eloi et était composé de trois grandes maisons, d’une cour avec un grand bâtiment dans le fond et de douze cellules avec leurs jardins. C’était en fait une véritable chartreuse qui était louée à des particuliers à d’autres moments.
A la veille de la guerre de trente ans, la maison était prospère, « l’actif l’emportait largement sur le passif » dit la carte de visite, mais en 1635, un conflit armé entre la France et l’Espagne dura 25 années et engendra de très graves difficultés pour toute la Région.
Entre 1640 et 1641, le registre paroissial de Gosnay témoignent des pertes suivantes, «17 janvier 1640, Charles Lolieux "at été tué d'un soldat", 5 février 1640, Florens Rean "at été tué d'un coup de parqueleuse », 29 janvier 1641,Rémÿ Louchart "at été tué tout mort" et Guislain Calerre "at été tué". La chartreuse du Val Saint-Esprit est pillée en 1635, Lillers est assiégé en 1637, Béthune en 1645 et l'église de Norrent-Fontes est incendié 1651.... A chaque passage ou incursions de soldats, qu'ils soient français, espagnols, flamands ou anglais, les villages sont pillés, les récoltes détruites et les habitants parfois emmenés captifs. Le Val Saint-Esprit rencontre de telles difficultés matérielles et financières que plusieurs de ses religieux doivent être envoyés dans d’autres maisons de la Province. Le nombre de moines sera ainsi réduit de moitié durant plusieurs années.
Dans ce contexte de grande insécurité, une requête est engagée par les chartreux, auprès du Conseil d'Artois, pour obtenir la remise d'impôts arriérés « à cause de la pauvreté et de la misère engendrée par les sièges, prises et reprises des places militaires, et le pillage des habitations par les différentes armées qui étaient passées ».
Les visiteurs de la Province, Dom Charles Le Bret, prieur du Montdieu et Dom Pierre Carré, prieur de Valenciennes, ne purent se présenter à Gosnay pour la visite avant 1646. Ils y trouvèrent une communauté diminuée de moitié, 9 pères et 2 frères, mais en peu de temps, le jeune prieur Dom Bernard releva vigoureusement l'état matériel du couvent, doublant le nombre des garçons de ferme et décuplant les troupeaux de moutons et de porcs.

Pigeonnier du Val Saint Esprit
Economiquement relancé, le Val Saint-Esprit retrouva alors son dynamisme et son rayonnement spirituel. Bon nombre de bâtiments bénéficièrent de travaux de restauration et l’église du couvent fut entièrement reconstruite. Bénie le 31 décembre 1704 par Jacques Paillart, grand vicaire d’Arras, elle ne fut consacrée que quelques années plus tard, en raison d’un nouveau conflit militaire qui saccagea toute la région. A peine remis des conséquences de la guerre de trente ans, le Val Saint-Esprit se trouva à nouveau au cœur d’un conflit militaire de grande importance.
Si le traité de Nimègue (1678) avait rendu la paix à l'Artois, les hasards de la succession d'Espagne plongèrent de 1701 à 1713, les contrées du Hainaut, de la Flandre et de l'Artois dans un nouveau conflit meurtrier, aux conséquences économiques désastreuses. Le pays se retrouve à feu et à sang dans l’horreur.
La coalition des alliés, Impériaux, Anglais et Hollandais, force les Français, commandés par le Maréchal de Villars, à évacuer les Pays-Bas espagnols. Elle franchit la frontière française en 1706, s'emparent de Lille en décembre 1708 après un siège de 3 mois, et envahissent l'Artois, à peine sorti d’un hiver extrêmement rigoureux qui avait considérablement affaibli les populations. François Delaporte curé d’Humbert (Boulonnais) écrivait le 7 juin 1709, sur son registre paroissial. “L’hyver qui comença a la St André de l’année 1708 et qui finit au mois d’avril 1709 a causé toutes les disgraces qui sont cy apres exprimées il a esté si rude que de memoire d’homes on ai jamais vû de pareil. La gelée a esté si forte qu’elle glacoit tout ce qui etoit liquide jusque dans les caves et quantité d’arbres et autres plantes ont peris par la rigeur du froid telle que pomiers, poiriers et autres arbres fruitiers come noyers vignes mesmes jusqu’au hours et buys qui sont les bois les plus durs de ce pays mais ce qui a le plus desolé le peuple est que la grande quantité de neige qu’il a tombé par trois ou quatres reprises poussé par les vents de midy decouvroit les campagnes et remplissoit les vallées en telle abondances qu’il estoit moralent impossibles de marcher a pied et encore moins a cheval, ces neiges et gelées furent suivies d’une pluye abondantes qui dura tout le long du mois d’avril apres lesquelles on s’est appercu universellemt dans tout le paÿes que les bléz et autres grains d’hyver etoient universellemt peris, ce qui a causé une telle chereté de grains que le bléz a vallu dans le mois de maye 1709 quarante livres le septier mesure de Montreüil, le soucrion a vallu trente sols le boysseaux la paumelle quatre livres le boisseaux le bléz sarazin ou bocquys quatre livres quinze sols aussy le boisseaux de montreüil, l’avoines a vallu une pistole ou dix livres le septiers, et on a esté obligé de rassemencer touttes les terres ou on avoit semé du bléz l’aprés aoust precedent ... voila une parties des miseres qui nous accablent et qui causent une famine tres grand dans le tems que j’aye la main a la plume pour les descrires affin de les laisser a lire a ceux que Dieu envoyra apres nous ...”
L'Artois connaît alors des moments très difficiles et de nombreux témoignages attestent de la grande cruauté des événements. Les pertes humaines traduisent la férocité des combats. Au cours du siège d’Aire sur la Lys de 1710, les français perdent 3000 hommes (tués ou blessés) et 250 officiers dont 100 morts et de leurs côté, les alliés conviennent la perte de 11 000 hommes.....
Le curé de Rouvroy rappelle dans son registre paroissial, “Le 22 avril 1710 est arrivé la désolation de l’église et de la paroisse comme aussy des circonvoisines par les alliés allant faire le siège de Douai, qui nous ont dépouillé les uns tous nus les autres en partie et nous ont chassé trois mois entiers que dura le siège. Le 27 juillet 1710, on a recommencé à dire la messe.”
Le 15 juillet 1710, le siége de Béthune par les Hollandais commence. L'historien local Eugène Béghin, le détaille ainsi, "Le 15 juillet 1710, les paysans de Beuvry préviennent les habitants de Béthune que les troupes anglo-hollandaises se sont déployées sur les territoires de Noeux, Labeuvrière et Gosnay. Vers 2 heures de l'après midi, apparaissent sur les hauteurs de la Chartreuse de Gosnay, plusieurs escadrons de Hollandais s'étendant à droite et à gauche de la route de Saint Pol. Le siège de Béthune commence par l’encerclement complet des remparts de Béthune et l’occupation des villages de Verquigneul, Verquin, Fouquières, Beuvry et Annezin. Les Hollandais voulant saigner l'inondation qui servait de moyens de défense en inondant les fossés des fortifications et les terrains adjacents, exécutèrent dés le 16, d’énormes travaux de terrassement pour détourner la Lawe dés Gosnay, pour jeter, par un canal qu'ils coupèrent ensuite un peu au dessus du château de Cambronne, les eaux de la Blanche dans la Brette afin d’étancher les “inondations”. Ils conduisirent les eaux jusqu'à environ 300 toises au dessous, dans le fossé d'un chemin qui passe en cet endroit, puis tirèrent un canal droit au village de Annezin, passant devant l'église et profitant du fossé qui renferme le cimetière. De là, ils tirèrent un autre canal jusqu'au chemin qui mène à Labeuvrière dans le fossé duquel, ils le conduisirent jusqu'au cabaret dit du "Romarin" à la fourche du chemin d'Aire à Saint Venant. Puis ils jetèrent cette dérivation dans un fossé qui traverse les prairies qui sont en cet endroit, d'où elle tomba dans son ancien lit au dessous de l'écluse du pont Barrois vers la porte Neuve.Il y avait 3220 hommes à l’intérieur de Béthune et 18 escadrons, 32 bataillons anglo-hollandais commandés par les généraux Fagel (hollandais) et Schulemberg (Saxon), installés dans l’abbaye de Chocques alors que le Prince Eugène avait établit son quartier général à Beuvry et que Malborough était au château d’Hinges.
Le siège dura jusqu’à la capitulation de Dupuy-Vauban le 29 août à 16 heures. La bataille fit 1500 victimes dans Béthune et 3300 du côté des assaillants."
Le ravage des cultures provoqua une disette l'année suivante dans toute la région. Le priorat de Dom Charles Bécourt (1698 – 1717) a été marqué par ces douloureux événements, qui perturbèrent la vie monastique. Dom Charles consacra toute son énergie à préserver sa communauté. Dés le début du conflit, les Pères Chartreux quittèrent leur couvent pour se réfugier à Béthune. Le Val Saint-Esprit fut pillé et saccagé durant le siège de Béthune et une grande partie des bâtiments nécessita de nombreux et importants travaux qui grevèrent les finances du monastère. La guerre ne cessa qu'après les traités d'Utrecht (1713) et de Rastadt (1714) qui laissaient l'Artois à la France. A Gosnay, la vie monastique ne reprit que quelques décennies plus tard, mais peu de temps après, la Révolution française vint surprendre la communauté.
Basée sur l’individualisme et la souveraineté absolue de l’Etat, la Révolution française relaya un courant anticlérical qui balayait déjà l’Europe depuis une vingtaine d’années. Au cours du XVIIIè siècle, les choses allaient de mal en pis pour l’Ordre qui n’avait connu aucune nouvelle fondation mais perdu 44 maisons. En 1782 et 1783, 24 chartreuses furent détruites dans les états de l’empereur d’Autriche (Lombardie, Autriche et Flandres) et à la veille de la Révolution, l’Ordre ne comprenait plus que 126 chartreuses, dont 71 en France. Il accueillait 2200 pères (1144 en France), 1250 frères et 150 moniales.
Toutes les maisons françaises allaient disparaître sous les effets de la tourmente révolutionnaire, alors qu’aucune maison chartreuse de la province de Picardie ne manifestait des signes de décadence.
- Toutes avaient su préserver leurs effectifs de religieux, ce que confirmèrent les réponses des municipalités au « questionnaire de 1790 »,
- 8 pères et 1 frère donné à la Chartreuse de Neuville sous Montreuil
- 13 pères et 2 frères donnés à la Chartreuse de Longuenesse
- 16 pères et 4 frères donnés à la Chartreuse de La Boutillerie à Fleurbaix
- 12 pères et 1 frère donné à la Chartreuse des moines de Gosnay
- 3 pères, 20 religieuses et 12 données à la Chartreuse des moniales de Gosnay